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BNA: le plan de transformation a-t-il déjà porté ses fruits ?

Le vaste plan de transformation de la Banque nationale agricole lancé en 2015 “va bon train” et “continue à porter ses fruits au niveau des indicateurs de la banque publique”, c’est ce qu’a indiqué Tunisie Valeurs dans un rapport publié ce matin.

D’après l’analyse de l’intermédiaire en Bourse, la banque connaît “une dynamique commerciale qui ne s’en dément pas et des niveaux de rentabilité soutenus”. Tunisie Valeurs indique que ces résultats ont été atteints “malgré l’accalmie” au niveau du programme de cession d’actifs et la charge comptable exceptionnelle relative à la régularisation des dotations de l’Etat en 2019.

La solide croissance bénéficiaire et la recapitalisation réussie l’année dernière ont significativement renforcé l’assise financière de la banque. La BNA jouit, aujourd’hui, de niveaux de solvabilité presque inégalés sur le marché, qui équivalent quasiment au double des minima réglementaires. Mais la BNA affiche deux carences de taille dans ses comptes: une qualité du portefeuille encore fragile et des niveaux de liquidité inférieurs à la concurrence.

Sur le papier, la valorisation de la banque est intéressante. Mais, la précarité de la qualité du portefeuille et la conjoncture boursière actuelle marquée par la crise du COVID-19 ne devraient pas favoriser un retour rapide des investisseurs sur le titre.

Après une année 2018 terne sur le front des dépôts, la BNA s’est voulue plus agressive en 2019. L’encours des dépôts de la banque publique s’est apprécié de 9% à 8,5 milliards de dinars; l’année dernière, une performance en ligne avec les prévisions annoncées lors de la dernière augmentation de capital. La morosité des dépôts à vue (+3% à 2,2 milliards de dinars) a orienté la banque vers les ressources onéreuses, en l’occurrence les dépôts à terme. Cette catégorie de ressources a réalisé une croissance de 18% à 3,5 milliards de dinars.

Le coût des ressources de la BNA s’est naturellement ressenti, de la hausse des taux enregistrée l’année dernière et de l’appétit manifesté par la banque pour les dépôts à terme. Le coût apparent des ressources a augmenté de 1 point de taux à 6,4%, soit le coût le plus élevé à l’échelle du secteur.

Favorisée par la levée de fonds propres opérée l’été dernier (167 MDt), l’activité de crédit a accéléré la cadence en 2019. La croissance des engagements est ressortie à 12%, dépassant la barre symbolique de 10 milliards. Cette performance conforme aux promesses de l’augmentation de capital vaut à la BNA de caracoler en tête des pourvoyeurs de crédits en Tunisie avec une part de marché de 15,3%, dépassant ainsi la BIAT.

La dynamique commerciale de la banque s’est accompagnée d’une meilleure diversification sectorielle. L’encours des engagements affiche aujourd’hui une physionomie assez intéressante avec une faible exposition aux secteurs pénalisés par la conjoncture (BTP, immobilier et tourisme). Par ailleurs, la BNA a renforcé sa présence dans le segment des crédits à la consommation, segment à faible risque et qui concentre, aujourd’hui, 18% de l’encours total des crédits contre 1% cinq ans plus tôt (voir graphique ci-contre).

Malgré l’intensification des efforts de captation des ressources, la BNA a affiché une dégradation de son ratio de transformation global.*. À contre-courant de la tendance sectorielle, cet indicateur a poursuivi son trend haussier (+3 points de taux en 2019), une hausse de 114%, soit le deuxième niveau le plus élevé du secteur après la BH.

La banque a dépassé un cap de PNB (+18% à 654 MDt). La BNA a puisé sa croissance essentiellement dans la marge d’intérêt (+22% à 406 MDt) et dans les commissions (+15% à 123 MDt). Le ralentissement des autres revenus (+9% à 125 MDt) comparativement à l’année 2018 (+16% en 2018) explique notamment le relâchement de la croissance du PNB observé en 2019 (+25% en 2018).

La BNA a affiché une amélioration notable de sa productivité sur l’année. La hausse du PNB a permis d’absorber l’augmentation des frais généraux (+9% à 290 MDt). Le coefficient d’exploitation a reculé de quatre points de pourcentage à 44%, s’alignant ainsi sur la moyenne du secteur.

Si la banque a rattrapé son retard par rapport à la concurrence au niveau du coefficient d’exploitation, il lui reste encore du chemin à parcourir au niveau du ratio de couverture de la masse salariale par les commissions. Ce ratio a beau augmenter de trois points de taux à 58%, il demeure inférieur aux standards du secteur (une moyenne sectorielle de 74%).

Ce qui nous interpelle le plus dans les comptes de 2019, c’est la stagnation de la qualité du portefeuille. Avec un taux de créances classées de 16,9% et un taux de couverture de 56,5%, la qualité d’actifs de la BNA reste fragile. L’effet de dilution créé par les nouveaux crédits sains produits sur les dernières années (1,6 milliard de dinars distribués sur la période 2018-2019) a été limité et l’effort de provisionnement déployé reste en deçà des attentes. Il découle de ce qui précède, que la BNA devrait davantage sacrifier ses bénéfices dans les prochaines années pour améliorer son taux de couverture. Tenant compte d’un stock de créances classées de 2,2 milliards de dinars (soit le plus élevé du secteur coté), il faudrait au moins deux années de bénéfices à zéro pour atteindre un taux de provisionnement de 70%.