Le 1er décembre dernier, un bus touristique était victime, à Amdoun, Béja, d’un grave accident de la route qui a coûté la vie à 31 jeunes. Pour être soignés, les blessés ont dû être transportés jusqu’à la capitale. Les hôpitaux de la région n’étaient en effet pas capables de se charger de la tâche par manque d’équipements.
Cet incident, et plein d’autres, ne cessent de nous rappeler de la grande inégalité en matière d’accès à la santé dont souffre la population des régions défavorisées du pays. Ce déséquilibre s’est aussi manifesté pleinement durant la pandémie du coronavirus “où la détérioration des services en manque de ressources s’est avérée être la menace la plus importante à la vie des tunisiens”, a noté Oxfam dans un rapport publié récemment. D’après l’ONG, “cette crise a exposé l’état de handicap préexistant du système de santé en Tunisie qui conditionne la protection de la vie des personnes en fonction de leur région et revenu”.
Dans son rapport, Oxfam indique que le budget alloué aux services publics souffre à cause d’une politique fiscale qui réduit les recettes par la fraude et les nombreuses exonérations fiscales accordées. D’après les données du FMI, le coût des “dépenses fiscales”, soit tous les mécanismes d’allègement d’impôt y compris les exonérations fiscales, avoisinerait les 3% du PIB.
Les dépenses publiques de santé ? Elles ne représentent quand à elles que 1,8% du PIB !
Il en résulte un niveau de dépenses sociales bien trop faible ayant pour conséquence d’aggraver les inégalités d’accès aux services de santé, d’éducation ainsi que d’autres services essentiels à la promotion d’une plus grande égalité des chances.
En effet, tandis que Tunis possède 10.2 lits de réanimation pour 10 mille habitants, Tataouine, Gafsa, Sidi Bouzid et dix autres régions possèdent 0 lit pour 10 mille habitants. La distance moyenne d’accès à un établissement hospitalier à vocation universitaire varie entre 219 et 333 km pour 6 gouvernorats du Centre-Ouest et du Sud; de ce fait, les populations de ces régions sont fortement pénalisées. Les zones rurales sont par conséquent les plus désavantagées face à la propagation du coronavirus.
Face aux défaillances du système public et à la faiblesse des moyens qui lui sont alloués, on assiste de surcroît au développement d’un secteur privé qui représente aujourd’hui 42.4% des prestations de santé. Entre 2014 et 2019, le nombre de lits dans les hôpitaux publics a augmenté de 6.1% par rapport à une augmentation de 85% pour les cliniques privées.
Cela est le résultat du sous-financement du système de santé publique supposé servir tous les citoyens, et surtout les plus défavorisés, souligne le rapport d’Oxfam. Et d’ajouter : “La négligence du système de santé publique se manifeste par le fossé énorme avec le système de santé privé en matière d’équipement et de personnel”. Par exemple, en 2017, on compte pour le secteur privé 131 scanners et 55 IRM en comparaison avec 48 et 10 respectivement pour le secteur public.
La situation s’est par ailleurs dégradée ces dernières années sous l’influence des politiques d’austérité menées suivant les recommandations et conditions des institutions financières internationales. Oxfam a ainsi constaté qu’entre 2011 et 2019, les parts des dépenses d’éducation et de santé dans le budget de l’Etat ont subi une forte baisse, passant respectivement de 26,6% à 17,7% pour l’éducation et de 6,6% à 5% pour la santé, en dépit d’une augmentation relative en 2019 par rapport à 2018.
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