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Les incitations fiscales en Tunisie ont-elles vraiment l’impact escompté ?

Les incitations fiscales sont-elles en train d’être utilisées pour attirer les investissements et améliorer les revenus de l’État ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre un rapport élaboré par Al Bawsala en collaboration avec Oxfam Tunisie. Détails.

Un choix coûteux pour l’État

De par leur nature même, les incitations fiscales entraînent une diminution des recettes publiques. En imposant des taux moindres aux entreprises et aux entreprises (ou en les exonérant totalement), l’État se prive de revenus qu’il aurait pu obtenir autrement. Cette perte de revenus affecte négativement la capacité de l’État à atteindre les objectifs qu’il s’est fixé en réduisant les ressources dont il dispose.

Les incitations fiscales, contrairement aux dépenses directes telles que les incitations financières, « ne sont pas plafonnées et peuvent entraîner un coût illimité », préviennent les auteurs de l’étude. Et d’ajouter: « Par conséquent, il est essentiel, lors de leur conception, de fournir leur coût estimé dans un souci de transparence envers les contribuables ».

Le coût élevé fait que les dépenses par prestation sont également très élevées, ce qui rend l’investissement plus coûteux, lit-on dans le rapport. « En examinant l’une des principales raisons de proposer des incitations fiscales, la création d’emplois, les résultats des incitations fiscales se révèlent très limités, conduisant à un coût élevé par emploi créé ». D’après l’étude, la Banque Mondiale avait estimé en 2012 que le coût des incitations par emploi créé était de 6362 dinars tunisiens par an dans les entreprises bénéficiant d’incitations fiscales.

Ce coût augmente encore davantage si l’on tient compte du fait que les entreprises bénéficiant d’incitations fiscales auraient investi indépendamment de l’existence de ces avantages. Au fait, si l’on considère uniquement les emplois créés par les investissements motivés principalement par des incitations fiscales, ce coût par emploi passe à 12 000 dinars tunisiens par an, d’après les auteurs de l’étude.

Les incitations fiscales sont-elles réellement utiles ?

Les incitations fiscales représentent la majorité du soutien offert par l’État aux investisseurs atteignant, en 2009, le pic de 92%. Ceci a fait que la Tunisie a été classée par la Banque Mondiale à la 20ème place mondiale en termes de coûts des mesures fiscales. Malgré cela, la Tunisie n’arrive qu’en 76ème position en termes d’attractivité aux investissements directs étrangers.

Ce décalage s’explique par le fait que les incitations fiscales ne compensent pas les autres facteurs qui constituent un mauvais climat d’investissement. Les investisseurs accordent, en effet, la priorité à d’autres facteurs tels que le faible coût de la main-d’œuvre, une infrastructure adéquate, une administration transparente et non corrompue. Et en termes de fiscalité, avant de rechercher des incitations fiscales, les investisseurs demandent un code fiscal facile à comprendre et à naviguer.

Cela conduit à l’écrasante majorité des investissements en Tunisie qui se seraient produits avec ou sans incitations fiscales, ce qui aurait entraîné une perte de revenus à travers eux sans raison ni but, d’après l’étude. En fait, la Banque Mondiale a estimé le taux de ces investissements en Tunisie à environ 79%.

À titre d’exemple, la plupart des avantages incitatifs sont accordés aux secteurs des mines et de l’énergie (collectivement 27,73%), suivis du secteur textile (6,08%), puis bancaire avec 5,28%. Or, « les secteurs des mines et de l’énergie, par exemple, sont plutôt des secteurs à forte intensité de capital liés davantage aux ressources locales disponibles qu’aux incitations fiscales », indiquent les auteurs du rapport. Et d’ajouter: « Les investisseurs investiront là où se trouve la matière première, quelles que soient les incitations possibles ».

Pis encore, les incitations fiscales compliquent un système fiscal déjà complexe. « L’augmentation de la complexité conduit à davantage d’échappatoires et d’opportunités d’évasion fiscale et de fraude, ce qui coûtera encore plus de revenus à l’État », lit-on dans le rapport. La fraude résultant des incitations fiscales est difficile à identifier et devient encore plus difficile à prévenir si l’on tient compte du manque de ressources humaines et matérielles dont souffre l’administration fiscale et qui l’empêche de détecter, d’enquêter et de poursuivre de manière efficace et efficiente la fraude fiscale.