La crise sanitaire a été une occasion pour évaluer la capacité des entreprises tunisiennes à résister aux chocs. Le verdict sera révélé lors d’une étude réalisée par JOBS Tunisia et l’APTBEF. Détails.
L’enquête avait pour objectif de mesurer l’impact de la crise sur les entreprises en fonction du secteur d’activité, de la région et de leur taille. Cela permet aux banques et institutions financières de disposer de données et d’indicateurs clés qui leur permettent d’optimiser le financement des entreprises en phase de crise et post-crise. Selon les auteurs de cette étude, “les résultats peuvent être utilisés pour apporter des réponses plus efficaces aux besoins de financement des entreprises en optimisant l’allocation des ressources et du capital des banques”, a indiqué Ines Allouche, cheffe d’équipe Access to Finance à Tunisia JOBS. Intervenant lors d’une conférence de présentation des résultats de l’étude, Allouche a ajouté que l’étude a permis de lancer des analyses multidimensionnelles dont le but était d’essayer “d’identifier des secteurs d’activité, des régions ou un mix des deux qui sont les plus touchés par la crise afin d’y consacrer les mesures adéquates.” Présent à cette conférence, Marouan Abassi, Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a salué le rôle qu’ont joué les banques tunisiennes pour assister les entreprises lors de la crise. Le gouverneur a aussi renouvelé l’engagement de la BCT à jouer son rôle clé dans les efforts de relance économique. Il a ajouté : “Nous ne voulons pas atteindre l’autre bout du tunnel avec des banques affaiblies”. Et de renchérir : “Nous continuerons à soutenir les banques et à consacrer tous les financements nécessaires à cet effet”. Que révèle donc cette étude ? Découvrons ensemble.
Reprise : Où en est-elle ?
Le Chef du gouvernement a annoncé en mai dernier la levée du confinement total suivi, quelques jours plus tard, de l’annonce du Président de la République de la levée du couvre-feu. En effet, c’est à ces deux mesures qu’on attribue le ralentissement économique qui, d’après les derniers chiffres, se solderait par une récession de -6.5%, a indiqué Amine Rachid, expert banking à Tunisia Jobs. Les entreprises peinent encore à retrouver le même niveau d’activité. Sur les 2954 entreprises interrogées, seulement 52% ont indiqué avoir repris leurs activités en juin.
De ces entreprises, moins de la moitié prévoit un retour à la normale de leur cycle d’exploitation avant fin août soit 3 mois après la reprise de l’activité. Le pourcentage des entreprises qui reprendront leurs activités avant fin juillet atteindra 73%, dont 42% prévoient de retrouver leur cycle complet d’exploitation avant fin septembre. Seulement 11% des entreprises prévoient de reprendre leurs activités à partir du mois d’octobre. Le retour à la normale est quant à lui attendu à partir du mois de janvier 2021 ! Conclusion de ces chiffres : “Quelle que soit la date de reprise, 65% des entreprises auront besoin au moins de 3 mois d’activité avant le retour à la normale de leur cycle d’exploitation”, indiquent les auteurs de l’étude.
Quels facteurs permettent d’amorcer la relance?
La capacité des entreprises à assurer une relance fluide varie d’un secteur à un autre. Ainsi, l’activité la plus touchée avec une baisse du chiffre d’affaires supérieure à 80% a été celle du tourisme, suivi de la communication et les médias à près de 60%. Le BTP et l’immobilier avec 54% des entreprises. Le deuxième indicateur étudié lors de cette enquête est la part des entreprises d’un secteur dont le chiffre d’affaires a baissé de plus de 50%. Cette fois-ci, c’est le BTP qui arrive en pole position avec un taux de 54% suivi du commerce (46%) et l’industrie manufacturière (40%). Trouver des ressources financières nécessaires pour subvenir aux besoins de son entreprise est le challenge auquel ont été confrontées toutes les entreprises suite à la chute de leur activité. L’enquête a démontré que la capacité d’autofinancement des entreprises en termes de mois d’activité n’a pas dépassé 1 ou 2 mois dans 46% des cas pour atteindre 55% dans le secteur de l’agroalimentaire.
Le secteur du commerce et de la distribution affichent par ailleurs 17% de capacité d’autofinancement entre 2 et 3 mois. Les besoins de financement moyen des entreprises sur 3 mois, selon l’enquête, s’élèvent à plus de 280 mille dinars. Sur le plan sectoriel, c’est l’agriculture qui manifeste le plus important besoin en financement moyen avec 740 mille dinars. Les industries agroalimentaires arrivent en seconde position avec 490 mille dinars suivi de l’industrie manufacturière (455 mille dinars). Quels secteurs sont donc prêts à tirer pleinement profit de la relance ? D’après les auteurs de l’étude, les deux secteurs qui ont tiré leur épingle du jeu sont l’industrie manufacturière et le commerce. En effet, 60% des entreprises manufacturières ont enregistré une baisse du CA inférieure à 50%. 47% ont une capacité d’autofinancement supérieure à 1 mois et plus de 65% ont un niveau de nouvelles commandes supérieur à 50% du niveau d’avant-crise. Pour le commerce et la distribution, 55% des entreprises ont une baisse du CA inférieure à 50%. 50% ont une capacité d’autofinancement supérieure à 1 mois et plus de 62% ont un niveau de nouvelles commandes supérieur à 50%. Hormis ces secteurs, l’étude a révélé que la majorité des entreprises demeurent toujours en dessous de 50% des commandes de l’avant-crise.
Quelle résistance aux chocs ?
La plupart des entreprises jugent qu’elles ont une capacité managériale et une image de marque acceptables ou exceptionnelles. Par ailleurs, environ 75% des entreprises se montrent optimistes par rapport à l’avenir. De même, environ 75% se considèrent parmi les plus compétitives ou sans concurrents. Environ 75% des entreprises considèrent que le risque sur leur chaîne d’approvisionnement est faible ou modéré, tandis que 10% le jugent élevé mais, pour certaines, pouvant être contourné. L’enquête révèle aussi que les deux tiers des entreprises ont plus de 3 produits, ce qui est de nature à les rendre moins vulnérables en cas de crise. Celles qui ont 2 produits ou moins sont plus vulnérables. En outre, plus de 50% des entreprises ont une concentration sur leurs clients inférieure à 45%, contre environ 40% ayant une concentration supérieure à 45%. L’étude démontre, par ailleurs, que presque 50% des entreprises n’ont pas de Plan de continuité de l’activité (PCA) ou bien il est peu efficace, voire non déployé. Environ 11% des entreprises sont fortement dépendantes de l’activité Export. Plus de la moitié des entreprises ont une activité qui dépend fortement des produits importés, ce qui peut être bloquant voire très bloquant.
Un risque crédit qui varie avec les régions
L’enquête démontre aussi que le score du risque-crédit par secteur d’activité est variable selon les régions. Par exemple, les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont un meilleur score dans les agglomérations de Tunis, Sfax et Sousse par rapport à leur score au niveau national. Le BTP a, en revanche, un score inférieur dans les trois agglomérations par rapport au score national. On constate, en outre, que l’agriculture et l’agroalimentaire ont gagné des points au niveau du score du risque-crédit pendant la crise du Covid-19 par rapport à d’autres secteurs d’activité. En contrepartie, le tourisme a perdu beaucoup de points pour se retrouver désormais en dernière position. L’étude a aussi étudié la distribution géographique du risque-crédit pour essayer d’évaluer l’impact de la crise. Il en sort que les gouvernorats de Tunis, Sfax, Monastir et Nabeul ont pratiquement le même score moyen. L’étude a également révélé que le score d’une entreprise augmente avec son chiffre d’affaires, sauf pour la tranche entre 2.5 millions et 5 millions qui affiche un score légèrement inférieur à la tranche située entre 1 million et 2.5 millions.
Perception de l’efficacité des mesures gouvernementales
Pour les mesures sociales prises par le gouvernement en faveur des entreprises, la moitié des entreprises interrogées ont été concernées par le plan de prise en charge des salaires, tandis que 79% des entreprises trouvent le report de 3 mois des contributions à la CNSS efficace. Par contre, de nombreuses entreprises qui travaillent dans les secteurs de la communication, des services financiers et du tourisme estiment « inefficace » la mesure de report des contributions à la CNSS de 3 mois. Plus de 85% des entreprises jugent efficace la ligne de crédit de soutien de 300 millions de dinars mise en place par le gouvernement. Sur les 15% restantes qui trouvent cette ligne de crédit inefficace, la plus grande proportion se situe dans les secteurs de l’agriculture, de la communication, de l’ICT et du tourisme. Plus de 90% des entreprises considèrent efficace le fonds de 500 MDT pour la restructuration des entreprises. Par contre, les plus grandes proportions d’entreprises qui trouvent ce fonds inefficace se situent dans les secteurs de l’agroalimentaire, de l’industrie manufacturière et du BTP. Plus de 87% des entreprises trouvent efficace la décision de report de 6 mois des crédits bancaires. Par ailleurs, la proportion d’entreprises qui trouve cette mesure inefficace se situe plus dans le secteur du tourisme.
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