Avec le développement du vaccin contre le coronavirus attendu pour le premier trimestre de 2021, l’année prochaine marquera l’émergence de nouvelles tendances et l’accélération de certaines autres. Voici ce dont il faut s’attendre d’après Karim Koundi, partenaire chez Deloitte Tunisie et selon le rapport des tendances stratégiques publié le mois dernier par Gartner.
Plus de données collectées …
Les données collectées sur les clients sont aujourd’hui une brique essentielle de toute stratégie de marketing digital. “Les données ont permis aux entreprises d’affiner considérablement leurs approches marketing et de développer des offres qui répondent exactement aux besoins et aux attentes des consommateurs”, a indiqué Karim Koundi, partenaire Deloitte Tunisie. C’est pour cela que les entreprises ont développé durant les dernières années de multiples techniques pour suivre nos plus minutieux mouvements sur Internet.
“Et avec l’accélération du digital lors de la crise, cette tendance ne va que se renforcer dans les années à venir”, a-t-il ajouté. L’expert a noté à cet égard que l’évolution de l’usage du big data représente une opportunité de taille pour les entreprises tunisiennes notamment sur le marché africain. “Nos firmes peuvent accompagner les entreprises africaines dans leur digitalisation, surtout que l’e-commerce jouera un rôle encore plus important en Afrique post-Covid”, a-t-il affirmé.
Les entreprises tunisiennes ne doivent cependant pas considérer cette ouverture sur le marché africain comme une alternative à l’Europe, mais comme un complément. Car c’est en Europe que ces entreprises vont pouvoir renforcer leur savoir-faire. Sur ce plan, Koundi a souligné l’importance de saisir l’opportunité qu’offrent les marchés du Vieux Continent à la recherche de prestataires géographiquement plus proches pour remplacer ceux situés en Asie. “Le plan de relance de la France stipule clairement la relocalisation de la sous-traitance avec un focus sur le nearshoring”, a précisé Koundi.
… et ce n’est plus que sur Internet
Le développement de nouvelles technologies menace de voir les pratiques “espionnites” des entreprises répliquées dans le monde physique. Car, comme le montre l’exemple des efforts de traçage du COVID-19 qu’ont lancé plusieurs pays dans le monde, la technologie nécessaire est d’ores et déjà disponible. D’après Gartner, l’année 2021 va voir une plus grande tendance à faire appel à l’Internet of Behaviors ou IoB (l’Internet des comportements) : l’usage des données pour modifier les comportements. Avec une augmentation des technologies qui rassemblent la poussière numérique de la vie quotidienne, les données qui couvrent les mondes numérique et physique, ces informations peuvent être utilisées pour influencer les comportements par le biais de boucles de rétroaction (feedback loops).
Pour les véhicules utilitaires, par exemple, la télématique peut surveiller les comportements de conduite, du freinage brusque aux virages agressifs. Les entreprises peuvent ensuite utiliser ces données pour améliorer les performances, le routage et la sécurité des conducteurs. L’IoB peut collecter, combiner et traiter des données provenant de nombreuses sources, notamment : les données des clients, les données des citoyens traitées par le secteur public et les agences gouvernementales, les médias sociaux, les déploiements dans le domaine public de la reconnaissance faciale et le suivi de l’emplacement. D’après Gartner, c’est surtout la sophistication croissante de la technologie traitant ces données qui a permis à cette tendance de se développer.
Le besoin de plus de sécurité
L’usage des données personnelles n’est pas sans implications éthiques et sociétales. Et les dangers sont à tous les niveaux. Non seulement l’énorme quantité de données personnelles échangées quotidiennement représente une cible de valeur pour les hackers, mais aussi les entreprises qui obtiennent légitimement ces données peuvent abuser de la confiance de leurs clients. C’est dans ce contexte que plusieurs pays dans le monde ont commencé à mettre en place des cadres réglementaires stricts pour assurer la sécurité numérique de leurs citoyens. Un pareil mouvement a été aussi constaté au sein des géants de la tech qui listent désormais la sécurité parmi les atouts de leurs produits.
C’est pour cela que Gartner estime que l’année prochaine va voir une plus grande adoption de nouvelles techniques de protection des données. Le cabinet de consulting cite à cet égard les techniques de chiffrement « homomorphe ». Le cryptage homomorphe est une forme de cryptage permettant d’effectuer des calculs sur des données cryptées sans les décrypter au préalable, par exemple, par une tierce partie. Le résultat du calcul est lui aussi présenté sous une forme chiffrée qui, une fois déchiffrée, est la même que si les opérations avaient été effectuées sur les données non cryptées.
Et avec les attaques cybernétiques de plus en plus fréquentes et ciblées, les outils de protection vont devoir se développer encore plus pour pouvoir protéger les données, aussi bien personnelles que d’entreprise. Karim Koundi a indiqué que ces outils font désormais appel à l’intelligence artificielle pour offrir une plus forte sécurité en permettant de détecter des attaques de plus en plus sophistiquées. “Barac est une startup tunisienne qui évolue dans ce domaine et qui a réussi à s’exporter dans plusieurs pays du monde”, a-t-il indiqué.
Et d’ajouter : “Ces évolutions peuvent constituer une opportunité de développement pour des entreprises tunisiennes dans le domaine de la cybersécurité surtout que le pays regorge de talents dans ce domaine”. À peine quelques jours après notre entretien avec Koundi, Facebook a annoncé que la Tunisie est dans le top 3 des pays les plus représentés dans son programme de bug bounties. Ce programme offre en effet des rémunérations aux développeurs qui découvrent et rapportent des failles de sécurité sur la plateforme du géant américain. La Tunisie a partagé le top 3 avec les USA et l’Inde.
Quand l’automatisation ne suffit plus !
Outre la collecte des données, l’industrie est aussi un secteur où on constate un plus grand rapprochement entre le physique et le digital grâce à l’industrie 4.0. Cette tendance va s’accélérer durant les années à venir. D’après les analystes de Gartner, l’année 2021 va voir plus d’Hyper-Automatisation dans les usines du monde. Ce terme, introduit l’an dernier par le prestigieux cabinet d’étude, désigne le recours aux technologies de pointe, y compris l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML), pour automatiser de plus en plus les processus et accroître les capacités humaines.
L’hyper-automatisation s’étend ainsi à toute une gamme d’outils qui peuvent être automatisés, mais fait également référence à la sophistication de l’automatisation. Car, toujours d’après les experts du cabinet, l’hyper-automatisation est “la clé de l’excellence opérationnelle numérique et de la résilience opérationnelle des organisations”. “Pour la mettre œuvre, les outils et solutions ne manquent pas, entre les robots logiciels (RPA) dopés au machine learning et les solutions d’AI Ops”, lit-on dans le rapport de 2021.
Et bien que ces tendances semblent ne concerner que les industriels dans les pays les plus développés, il ne faut pas oublier que, dans un monde plus que jamais connecté, ces transformations ne connaissent plus de frontières. Les industriels tunisiens, bien qu’ils aient fait de bons pas dans ce sens, sont encore loin d’être à la pointe de la technologie. Karim Koundi a pourtant rappelé que plusieurs bailleurs de fonds, dont la GIZ, ont lancé en Tunisie des programmes visant à accélérer le passage de l’industrie locale vers la 4.0.
L’automatisation jouera également un rôle important dans le monde du post-Covid. D’après Lamjed Ben Mbarek, Managing Partner de Grant Thornton Tunisie, les sociétés devant poursuivre leurs activités avec le moins de personnel possible, sont obligées de trouver des moyens alternatifs pour y parvenir. Dans cet ordre d’idées, il a ajouté que l’utilisation de processus d’automatisation et d’algorithmes s’accélère rapidement dans les mois et les années à venir. “Les entreprises s’emploient désormais à automatiser les tâches répétitives telles que les tâches administratives et les robots prennent le relais de la fabrication”, a-t-il ajouté. Cela causera-t-il du chômage ?
L’expert indique qu’il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Il a pourtant affirmé qu’il y aura un besoin massif de recyclage et d’acquisition de nouvelles compétences une fois la pandémie terminée.
Les secteurs clés
Bien que les opportunités soient nombreuses, Karim Koundi voit que la Tunisie ferait mieux de miser sur trois secteurs clés où le pays peut se distinguer à l’échelle régionale ou mondiale. Ceci permettrait selon lui d’éviter l’éparpillement des efforts et des ressources du pays, déjà limitées. Le choix de ces secteurs doit, d’après l’expert, tenir compte de la réalité post-Covid et les changements que pourrait connaître le monde dans les années à venir.
Pour Koundi, les secteurs ayant le plus grand potentiel seraient la santé, l’agriculture et l’administration qui connaissent, tous, un grand mouvement de digitalisation. “La Tunisie dispose des compétences nécessaires pour se distinguer dans ces trois secteurs”, a souligné l’associé Deloitte. “La Tunisie pourra ainsi miser sur ses atouts pour accompagner les pays africains dans leur de quête d’injecter plus de digital dans ces secteurs”, a-t-il affirmé.
Vous avez des questions ?
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux ou contactez-nous et nous vous répondrons dès que possible.