
La reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara et la normalisation des relations entre le Maroc et Israël pourraient avoir des bénéfices durables pour la cause de la paix en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Pour l’Afrique du Nord, le conflit du Sahara entre le Maroc et le Polisario, soutenu par l’Algérie, dure depuis 45 ans, ce qui en fait l’un des conflits les plus anciens du monde, perpétuant un statut qui mine le développement économique régional et la coopération politique entre les pays du Maghreb. Lors des discussions sur un référendum potentiel sur le statut du territoire, ni le Maroc ni le Polisario n’ont pu se mettre d’accord sur le droit de vote, ce qui a rendu un plébiscite presque impossible à mettre en œuvre. Plus récemment, le blocus de Guerguerat par le Polisario, le seul passage frontalier entre le Maroc et la Mauritanie, a provoqué une intervention militaire marocaine afin de maintenir la sécurité des échanges et des personnes. En réponse, le Polisario a déclaré la fin des 29 ans de cessez-le-feu supervisé par l’Organisations des Nations Unies (ONU) et a repris sa lutte armée.
Ces développements posent des menaces de sécurité majeures à la fois pour l’Afrique du Nord et les régions du Sahel, notamment un conflit armé potentiel entre le Maroc et le Polisario, la menace d’extrémisme qui a tendance à s’épanouir dans les zones de conflit, la poursuite de la déstabilisation de la Libye et une influence potentiellement accrue des groupes extrémistes localisés dans le nord du Mali.
Dans quelle mesure la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara atténuera-t-elle les tensions en Afrique du Nord ? Avant de répondre à cette question, il est important de souligner que la nouvelle politique de Washington complète une tendance internationale croissante. Plusieurs pays d’Afrique, du Moyen-Orient et des Caraïbes ont déjà ouvert des consulats au Sahara pour manifester leur soutien politique au Maroc. Cependant, l’importance de la reconnaissance américaine réside dans son statut dans le monde, au Conseil de Sécurité de l’ONU, au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et dans son système d’alliance diversifié et international. Les États-Unis peuvent potentiellement jouer un rôle important dans le règlement du conflit du Sahara.
L’administration américaine considère le plan d’autonomie du Maroc comme «sérieux, crédible et réaliste» et c’est la seule proposition sur la table des négociations. Cela pourrait bien pousser l’Algérie et le Polisario à le reconsidérer.
L’ouverture d’un consulat américain à Dakhla attirera les investissements directs étrangers (IDE), et ouvrira ainsi la possibilité d’une nouvelle impulsion pour le développement économique. Cela devrait inciter le Polisario à abandonner sa lutte armée et à participer au développement économique du Sahara sous souveraineté marocaine. Ces nouvelles incitations à l’économie politique peuvent être la clé du règlement du conflit du Sahara une fois pour toutes.
Les implications de cette éventuelle résolution pour la région sont importantes. Le conflit empêche le développement économique depuis 45 ans et un accord de paix pourrait offrir au Polisario une réelle opportunité de participer à la gouvernance locale. La santé, l’éducation et l’emploi devraient devenir des priorités plus grandes qu’une course aux armements entre le Maroc et l’Algérie. Si l’investissement est encouragé, le Sahara pourrait devenir un pôle économique régional et continental. Le Maroc et l’Algérie peuvent aussi envisager d’ouvrir leurs frontières (fermées depuis 1994) et relancer l’Union du Maghreb avec une intégration potentielle avec d’autres régions africaines comme la CEDEAO.
En ce qui concerne le Moyen-Orient, la décision du Maroc de commencer ses relations avec Israël n’est en aucun cas la première dans la région. L’Égypte a en effet été le précurseur lorsque Sadate a obtenu un accord de paix qui faisait partie des accords de Camp David en 1978. La Jordanie et Israël ont signé un traité de paix en 1994. Les Palestiniens et les Israéliens ont signé les accords d’Oslo en 1993 et 1995. En 1999, la Mauritanie et Israël ont établi des relations diplomatiques pleines et entières (bien que celles-ci soient gelées depuis 2009). Plus récemment, Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan ont signé les accords d’Abraham. Pourtant, le Maroc a une position unique pour jouer un rôle central dans le processus de paix au Moyen-Orient.
Le Maroc a une connexion juive ancienne et profonde. Les origines de la communauté juive marocaine remontent à plus de 2 500 ans. À l’époque médiévale, à la suite de l’Inquisition espagnole et du décret de l’Alhambra de 1492, les Juifs ont été contraints de fuir vers le Maroc, où ils ont été accueillis et intégrés dans la société marocaine. Dans les années 1940s, entre 250 000 et 350 000 Juifs vivaient au Maroc, constituant la plus grande communauté juive du monde musulman.
Au plus fort du régime nazi en Europe et en Afrique du Nord, le sultan Mohammed V du Maroc a résisté à la pression nazie pour la déportation des juifs, en les considérant des citoyens marocains. Le Maroc est devenu un refuge et une destination de transit pour les juifs européens fuyant le régime fasciste et nazi en Europe. Après la création de l’État d’Israël en 1948, un grand nombre de juifs marocains ont choisi de migrer vers le nouvel État mais ont conservé leurs traditions marocaines et leurs liens avec leur pays ancestral, le Maroc. Les Israéliens d’origine marocaine sont au nombre d’environ un million et beaucoup d’entre eux sont devenus des personnalités politiques.
C’est cette connexion juive profonde et ancienne que le Maroc met sur la table. Le Maroc peut mobiliser les Juifs marocains en Israël pour combler les écarts entre Palestiniens et Israéliens. Plus encore, le statut du roi du Maroc en tant que descendant du prophète Mahomet, son titre d’Amir al-Mu’minin – Commandant des fidèles-, sa position de chef du Comité d’Al-Qods ‘Jérusalem’ et ses bonnes relations avec l’Autorité nationale palestinienne renforcent sa légitimité en tant qu’intermédiaire de la paix au Moyen-Orient.
Les opportunités de développement économique, de coopération politique et de promotion de la paix au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont rares. La reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara et le redémarrage des relations entre le Maroc et Israël pourraient favoriser un type de paix qui va au-delà de l’absence de guerre et créer ainsi les conditions pour la coopération politique et le développement économique entre plusieurs acteurs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Vous avez des questions ?
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux ou contactez-nous et nous vous répondrons dès que possible.