
La Tunisie sera contrainte à sortir sur les marchés internationaux pour combler un trou d’environ 19 milliards de dinars. En plus de l’émission d’obligations souveraines, le gouvernement a inscrit les Sukuk comme mécanisme possible de mobilisation des ressources extérieures dans la loi des finances 2021.
SPV, le coeur battant de toute émission de Sukuk
Les caractéristiques de la titrisation islamique sont très proches de celles de la structuration conventionnelle de titres adossés à des actifs. Les trois parties présentes dans une titrisation sont en règle générale, le donneur d’ordre, le Special Purpose Vehicle, ou SPV, et les investisseurs. Le donneur d’ordre est l’entreprise émettrice. Elle apporte ainsi un actif pour la titrisation qui devra générer des revenus (déjà existants ou futurs), permettant d’identifier clairement les flux financiers. Le SPV est une structure ad-hoc créée par le donneur d’ordre pour détenir les actifs au profit des investisseurs.
C’est cette structure qui émettra les titres (ou certificats) Sukuk lui permettant ainsi de lever les fonds. Le titre représente, ainsi, la participation indivise d’un acheteur de Sukuk dans les actifs sous-jacents identifiés pour l’opération. Les rendements sont donc payés en fonction du nombre de certificats détenus. Les investisseurs, vous l’avez certainement compris, souscris aux Sukuk émis apportent les fonds nécessaires à la structure ad-hoc pour acheter les actifs auprès du donneur d’ordre. Contrairement aux obligations, tous les actifs ne peuvent pas faire l’objet d’une émission à Sukuk.
En effet, l’identification d’actifs appropriés compatibles avec la Sharia et qui génèrent des flux financiers maîtrisables (existants et futurs) est la première et la plus importante étape dans le processus d’émission de Sukuk. Si des actifs financiers conventionnels qui génèrent un flux d’intérêt ne sont pas acceptables d’un point de vue Sharia, un flux basé par exemple sur un revenu locatif ou des profits résultant de projets d’investissements spécifiques demeure tout à fait envisageable.
Tous les Sukuk ne se ressemblent pas
La classe d’actif la plus populaire à ce jour est l’immobilier qui peut être loué ou construit et qui dégage un revenu locatif permettant ainsi de rémunérer les souscripteurs de Sukuk. Dans certains scénarios, une option de rachat des actifs immobiliers à maturité peut, sous des conditions strictement encadrées, être incluse pour protéger ce qui pourrait s’assimiler dans une opération de titrisation conventionnelle au principal.
Deux classes de sukuk se distinguent : sukuk asset-backed et sukuk asset-based. La principale différence entre un sukuk asset-backed et un sukuk asset-based réside dans le transfert réel et la détention des actifs par la SPV représentant les investisseurs. Ainsi, dans l’asset-backed Sukuk, il y a un transfert réel des actifs qui sont sortis du bilan de l’initiateur, et les détenteurs de sukuk ont donc uniquement un droit de recours sur les actifs et non pas sur l’initiateur. En cas de défaut de l’initiateur, seuls les détenteurs de sukuk ont un droit de recours sur les actifs du sukuk.
Dans les asset-based Sukuk, en revanche, seul le droit sur le revenu des actifs est titrisé et l’initiateur conserve la propriété légale des actifs qui restent enregistrés dans son bilan. De ce fait, en cas de défaut les détenteurs ont le même droit de recours sur ces actifs que les autres créanciers, et peuvent ne récupérer que partiellement leur principal.
Les Sukuk et la loi tunisienne
En Tunisie, les sukuk sont régis par la loi n° 2013-30 du 30 juillet 2013 ainsi que le décret gouvernemental n° 2018-579 du 22 juin 2018. Ces textes stipulent que les sukuk sont considérés comme des valeurs mobilières qui peuvent être émises en dinar ou en devises étrangères. Cette loi donne la possibilité de l’émission des sukuk à l’État, aux établissements et les entreprises publics et les collectivités locales, ainsi qu’aux entreprises du secteur privé. Les sukuk sont émis au profit des sociétés anonymes ayant un capital minimum libéré d’un million de dinars, ayant trois années d’existence et ayant établi pour les deux derniers exercices des états financiers certifiés. C’est dans ce cadre que Wifak Bank a émis, en 2019, les premiers sukuk sur le marché tunisien.
Les sukuk, émis ou garantis par l’État, sont autorisés par la loi de finances et chaque émission doit être ratifiée avant l’utilisation du produit qui en résulte. L’émission des sukuk, au profit des établissements et des entreprises publics et des collectivités locales est autorisée par le ministère chargé des finances. D’après la loi tunisienne, l’opération d’émission des sukuk est réalisée à travers la création d’un fonds commun de sukuk ― sauf si le comité de contrôle charaïque n’en voit pas l’obligation. Les parts d’un tel fonds sont considérées comme des sukuk.
Quid de la charia compliance ? La loi tunisienne exige qu’un comité de contrôle charaïque est nommé par la partie émettrice et se charge de décréter à propos de toutes les questions charaïques relatives à l’opération d’émission des sukuk, de la fatwa et de l’audit charaïque. Ainsi, le ministère chargé des finances procède à la désignation d’un comité de contrôle charaïque qui se charge de l’étude des questions charaiques, de la fatwa et de l’audit charaïque des opérations de sukuk émis ou garantis par l’État ou émis par les collectivités locales.
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