La Fédération Tunisienne des Agences de Voyage (FTAV) a vécu de l’intérieur l’importante crise mondiale du tourisme liée à la COVID-19.
En tant que président de la FTAV, comment vivez-vous la situation ? Comment le secteur a-t-il fait pour résister jusqu’à maintenant ?
La crise COVID-19 est la plus grosse crise qui n’ait jamais eu lieu dans l’histoire du transport et du tourisme. Il y a eu le miracle tunisien. Ce miracle peut être expliqué de plusieurs façons. Quand on voit les moyens de résistance sur 100 échantillons, 50% des agences de voyage comptent sur leurs propres moyens. Par leurs propres moyens, nous faisons référence à plusieurs moyens pour maintenir les agences à flot.
1300 agences de voyage ont mangé leur capital. Ils ont compté sur leur trésorerie individuelle. Ils ont vendu leur matériel volant, et je suis de ceux-là. Ils ont fait des prêts de leurs proches. Les mécanismes publics étaient inaccessibles. Certains en sont arrivés à des situations de précarité, jusqu’à vendre leurs biens les plus précieux. Également, certaines agences arrivent à des frais de leasing de 50 mille dinars par mois, et se retrouvent à devoir les payer alors qu’elles n’ont aucune activité.
J’ai demandé à ce que le Président du Gouvernement déclare le secteur touristique comme un secteur sinistré. Grâce à cet adjectif, cela permettrait au secteur de bénéficier d’avantages pour le sauver. Mais il n’a pas été désigné comme tel par les autorités.
Aujourd’hui, tout le capital des agences de voyage a été utilisé, de la plus petite à la plus grande. 50% n’ont pas trouvé de soutien de la part de l’État, 17% des 100 agences de voyage de l’étude ont eu le crédit COVID, 12% ont eu des crédits à garantie réelle des banques. Malgré cela, un grand nombre d’agences de voyage sont en faillite de fait. Plus de deux tiers des agences ont passé 1 an et 4 mois fermées. Sans production, sans recettes, elles n’ont que des dépenses et leurs engagements sont en cours. Nous, en tant que professionnels du tourisme, avons supporté la charge sociale des employés et les impôts.
L’État a aidé à partir de fin 2020. Je distingue dans l’aide deux types : l’aide sociale et l’aide aux entreprises. Que l’État prenne des mesures sociales signifie que l’État sauve les travailleurs. Mais en ne prenant pas de mesures pour les entreprises, les sociétés périclitent et les travailleurs n’ont plus d’emploi.
Ensuite, en gardant les employés, il faut assurer leur charge financière. Il faut payer leur déclaration, payer la partie employés de la CNSS.
Un événement catastrophique risque d’arriver à l’avenir. Il n’y a pas de ratios pour justifier les chiffres. Demain, le juge de la direction des impôts va venir, et va demander comment, en tant que patron, vous avez sauvé votre entreprise et les employés, d’où vient l’argent pour la sauver, et si vous avez une réserve, l’avez-vous fait rentrer en faisant une augmentation de capital ? En présentant les bilans, les réserves et les prêts personnels sont des ratios qui ne marchent pas en comptabilité.
Plusieurs pays déploient des solutions où ils donnent gratuitement le vaccin aux touristes, comme l’Alaska, ou le Singapour qui propose aux touristes de faire leur quarantaine sur un yacht. La Tunisie n’a pas proposé de solutions aux touristes pour faire face à la crise. Que pouvons-nous faire ? Est-ce que les solutions peuvent combattre les problèmes ?
Nous sommes une organisation professionnelle, nous ne sommes pas seuls, il y a aussi les autres organisations professionnelles et le Ministère du Tourisme. Nous avons donné plusieurs solutions, recommandations et suggestions. D’abord, nous avons demandé qu’à partir du mois de février et de mars, le secteur aurait la priorité dans la vaccination. Nous avons demandé à ce que les grandes destinations touristiques, comme l’île de Djerba, soient déclarées en sécurité sanitaire et qu’elles soient déclarées prioritaires dans la chaîne de valeur touristique. Dans le monde entier, il y aura la reprise, avec un fort désir de voyage après avoir été coincés pendant un an et 4 mois. D’autres parties sont contre cette reprise du tourisme parce qu’ils considèrent le tourisme comme un lobby, comme un secteur non prioritaire et que ce n’est pas le moment de lui donner la priorité.
La particularité du secteur touristique est que l’on ne peut pas travailler le jour même. Pour travailler en juillet, il faut se mettre à travailler un an à l’avance. Dans la recherche, mars est la meilleure période pour rentrer dans les radars du tourisme mondial. Nous n’avons pas profité de cette opportunité.
Aujourd’hui, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Maroc, l’Égypte ont ouvert leurs frontières, ils sont prêts, comme la Turquie, la Jordanie, tout le monde travaille pour l’avenir, parce qu’ils le voient comme proche. La Tunisie s’est faite éliminer, et il faut maintenant assumer la responsabilité.
Il est difficile de déterminer qui a la responsabilité du transport aérien en Tunisie, qui assume la responsabilité des avions, qui assume la responsabilité du secteur touristique avec les hôtels, les restaurants touristiques, les agences de voyage, les centres d’animation, qui assume la responsabilité du secteur à 350 000 emplois, l’artisanat qui vit de 90% du tourisme.
Le tourisme dans le monde est dans un meilleur état de reprise. En Europe, aujourd’hui, la taille des réserves, de l’épargne chez les familles et les individus en 2021 dépasse 680 milliards d’euros. C’est un excès. Il y a des pays qui préparent l’épargne. Pendant ce temps, l’Etat tunisien ne prépare pas la reprise. C’est une responsabilité de meurtre de l’État tunisien d’un secteur qui aurait pu être plus actif, comme il y a eu un meurtre du secteur du phosphate dans les mines.
Est-ce qu’on peut dépasser ce problème et revenir à l’équilibre ?
Le fait d’être capable ou pas n’est pas aux mains de l’État, c’est aux mains de tous. Le touriste ne vient pas grâce à l’État, il vient grâce aux professionnels du tourisme et du privé. Il est important de mettre en place un plan militaire pour faire entrer la Tunisie dans les radars. Pour entrer dans le radar, il faut que le secteur du tourisme ait vacciné son personnel et cela, dans l’immédiat. Deuxièmement, il faut faire travailler les professionnels avec des voyages privés, avec un plan de communication et commercial, comme avec la Russie. Enfin, il faut faire travailler les relations diplomatiques, la relation avec la France est ancienne, avec l’Allemagne, avec l’Europe, avec la Russie. Il n’y a rien d’impossible, si on croit que c’est impossible, ça le sera.
Êtes-vous optimiste ?
Je n’aime pas ces termes d’optimiste ou de pessimiste, je suis réaliste. S’il y a une guerre pour les marchés, je veux y rentrer. Beaucoup de personnes sont rentrées en fin de course et sont arrivées en deuxième ou première position. Quand le Danemark est entré en coupe d’Europe, ils ont remporté la coupe face à l’Italie.
Il n’y a rien d’impossible. Il faut croire en nos compétences, en nos hommes, main dans la main. S’il n’y a pas d’intentions et une vision où on reste dans la partie coûte que coûte, ça ne marchera pas. En tennis, et nous sommes tous passionnés en suivant notre sœur Ons Jabeur, quand quelqu’un a perdu deux manches, s’il joue une balle de set et la gagne, il peut complètement renverser la partie. Tant qu’il y a une tentative, la dernière tentative peut changer la partie. Je n’appellerai pas ça la dernière tentative, mais la tentative décisive.
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