Cette crise est certainement inédite, non seulement par sa portée, mais aussi par l’élan de créativité qu’elle a enclenché. Des opportunités, cette crise elle peut en engendrer plein. Mais bien avant, il est aussi important de penser à survivre et de s’en sortir avec le moins de dégâts possible. Comment faire ? C’est la question à laquelle ont tenté d’y répondre Azyz Mbarek, CEO d’Afrikinvest; Radhi Meddeb, PDG du groupe Comet et Ali Kooli, DG d’ABC Bank lors de la e-conférence, troisième du genre, organisée par l’Université Centrale autour de la thématique “Impact économique, mesures de soutien et sortie de crise”. Détails.
La crise a mis à couvert plusieurs lacunes dans le mode de fonctionnement de plusieurs secteurs. Azyz Mbarek a pointé un changement dont les retombées seraient considérables pour la Tunisie. En effet, le stock zéro et le just in time ont fragilisé les chaînes d’approvisionnement. Dans le monde de l’après-Covid, la révision de ce mode de fonctionnement s’impose certainement.
Une crise, oui, mais avec plein d’opportunités
Azyz Mbarek propose de saisir une opportunité de taille, notamment en ce qui concerne les circuits courts. Les industriels, a-t-il affirmé, vont s’efforcer à trouver des alternatives à la Chine. Et la Tunisie “peut se positionner et apporter de vraies réponses” selon lui. Les secteurs qui peuvent tirer leur épingle du jeu quant à cette réorganisation sont nombreux: les industries pharmaceutiques et automobiles, le high-tech, … “Le monde ne permettrait plus d’avoir 70% de sa production du Doliprane concentrée en Chine”, a-t-il souligné. Autre “gagnant” potentiel de cette crise: le digital.
Outre l’e-commerce et les services à distance, le confinement a prouvé aux entreprises locales que le télétravail peut réussir, même pour les collaborateurs tunisiens. Selon Ali Kooli, ceci est une opportunité de taille pour revoir le mode de fonctionnement des entreprises, mais aussi le secteur de l’éducation qui peut également en profiter. Autre élément important pour Kooli: cette dématérialisation implique aussi un accès plus facile des entreprises tunisiennes aux marchés internationaux. Radhi Meddeb voit dans cette crise une opportunité pour promouvoir un nouveau modèle de développement basé sur la modernité, l’inclusion, la solidarité et la durabilité. Dans ce cadre, l’expert a proposé de renforcer l’action des institutions de microfinance afin de leur permettre de contribuer à “ramener les gens dans le secteur formel”. Selon lui, limiter ces institutions aux microcrédits ne leur permettent pas de jouer ce rôle.
Sortir de la crise, d’abord
Mais avant d’arriver là, il faut d’abord penser à sortir de cette crise indemne. “Notre objectif doit être de ne perdre aucune entreprise”, a souligné Azyz Mbarek. Pour y arriver, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures qui, selon les panélistes, seraient loin d’être suffisantes. Le stimulus plan tunisien ne représente que 2.2% du PIB, alors qu’aux États-Unis, le gouvernement fédéral a déployé des mécanismes de soutien de l’ordre de 10% du PIB du pays, a noté Radhi Meddeb. Pis encore, l’expert déplore une importante latence de l’exécution des principales mesures annoncées par le gouvernement. “Nous sommes dans une logique de traiter une crise exceptionnelle avec les méthodes traditionnelles”, a-t-il énoncé.
Que propose alors Meddeb ? “L’État doit aujourd’hui intervenir en garantie plus qu’en déboursement”, a-t-il indiqué. Pour ce faire, il faut que le gouvernement mette en place des fonds de garantie, ce qui permettraient aux banques d’avoir plus de marge de manœuvre pour venir au secours des entreprises sinistrées. La Banque Centrale doit, de son côté, revoir encore à la baisse son taux directeur. Et de manière considérable. Pour Azyz Mbarek, la BCT serait également appelée à revoir les ratios réglementaires pour les adapter aux exigences de la situation. Autre manœuvre exceptionnelle à mettre en place: permettre à la Banque Centrale de venir en aide directe à l’État, propose de son côté Ali Kooli. “En Europe comme aux USA, les banques centrales sont en train d’acheter la dette publique en masse”, a-t-il indiqué. Pour le banquier, le gouvernement, avec les nouveaux pouvoirs qu’il vient d’acquérir, peut donner une parenthèse à toutes ces règles “car nous sommes dans une crise majeure”.
Penser à la relance
Bien qu’on ignore encore la date, mais cette cerise sera certainement dépassée. Il faut donc commencer à préparer la relance. Pour Azyz Mbarek, ceci doit se faire à travers une approche sectorielle car, après tout, tous les secteurs n’ont pas été touchés de la même manière. Le financier propose, dans ce cadre, la mise en place d’équipes sectorielles qui seraient chargées de définir le contour de la crise et de définir les aides nécessaires. Sur un plus long terme, Mbarek appelle à la mise en place de mécanismes pour permettre aux entreprises de retrouver leur équilibre. Ici, le rôle des bailleurs de fonds est essentiel. Leur mission ? “Offrir des appuis massifs aux entreprises sur des ressources en fonds propres”, a-t-il indiqué. Et d’insister: “Ceci doit aussi inclure les banques”. Pour ce faire, Mbarek propose des dotations en quasi-capital qui permettent à l’entreprise d’avoir des ressources longues et d’avoir des échéances de remboursement très échelonnées.
Revisiter la dette extérieure
La portée mondiale et profonde de la crise a fait que le rééchelonnement de la dette n’est plus un sujet tabou. Même le FMI et la Banque Mondiale ont engagé un programme pour permettre aux pays les plus pauvres de différer le paiement de la dette jusqu’en 2021. La Tunisie doit en faire partie, réclament les intervenants. Car pour sortir de cette crise, “il faut qu’on se donne une marge de manœuvre”, insiste Azyz Mbrak. “Il faut avoir un échange serein avec les grands bailleurs de fonds”, a-t-il ajouté.
À suivre…
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