À la fin de chaque année scolaire, une carte fait réapparition sur les réseaux sociaux affichant le taux de réussite dans le bac par gouvernorat. Et chaque année, le déséquilibre entre les régions intérieures et celles côtières est bien clair comme symbole d’inégalité d’accès à une éducation de qualité.
Au fait, le genre et le milieu géographique influencent également fortement les chances de réussite scolaire. Si le taux d’analphabétisme continue de diminuer dans le pays, il reste néanmoins 2,5 fois plus élevé en milieu rural et ce sont surtout les femmes rurales qui en souffrent le plus avec un taux de 30,3%, a noté Oxfam dans un rapport publié récemment sur les inégalités en Tunisie. Qui plus est, seulement 40.1% des femmes rurales ont eu une éducation secondaire, souligne l’ONG dans son rapport.
“En Tunisie”, lit-on dans le rapport, “l’école publique s’est beaucoup dégradée et ne semble plus jouer son rôle d’ascenseur social. Les écarts de fréquentation en fonction des niveaux de revenus sont élevés”. Au fait, un rapport de l’UNICEF sur la Tunisie indique que plus de 95% des enfants des milieux les plus riches fréquentent le lycée contre moins des deux tiers pour les enfants des milieux pauvres.
Aussi, le système éducatif public souffre d’un déficit qualitatif important au point de ne plus être aujourd’hui la principale source d’éducation des jeunes qui lui préfèrent désormais Internet.
Cette perte de qualité et la faible adéquation du système éducatif tunisien aux besoins du marché du travail ne contribuent pas à améliorer la situation des diplômés qui souffrent déjà beaucoup du mauvais contexte économique et affichent un taux de chômage très élevé. La crise du coronavirus n’a fait qu’accentuer les inégalités en matière d’éducation. Les mesures prises par le gouvernement afin d’éviter la contagion, notamment le confinement, ont interrompu les cycles scolaire et universitaire des jeunes Tunisien.nes. Le secteur privé s’est vite adapté à la situation pour assurer la continuité de l’année scolaire et la poursuite des cours à distance.
Les dépenses d’éducation demeurent relativement plus élevées; étant le deuxième poste budgétaire après le service de la dette, elles affichent cependant une tendance à la baisse. Cette baisse inquiétante remet en cause le principe d’éducation gratuite et inclusive, véritable pilier du modèle social tunisien depuis l’indépendance. Le manque d’investissement dans les infrastructures éducatives, l’absence de moyens alloués pour la formation des enseignant.e.s ou encore les plafonds imposés à leur recrutement fragilisent une offre éducative publique qui est de plus en plus délaissée par les familles aisées.
Tout comme pour la santé, ce désengagement de l’Etat favorise l’émergence progressive d’un système éducatif dual, profondément générateur d’inégalités. Depuis 2010, les inscriptions dans les écoles publiques ont baissé de 8% tandis que celles des écoles privées ont augmenté de 37%. Garantir l’égalité des chances suppose également de pouvoir s’appuyer sur un système éducatif véritablement inclusif ayant vocation à réduire les disparités sociales qui découlent des inégalités de revenus et des différences liées au milieu d’origine, indique Oxfam. Le secteur privé dans l’enseignement prend de plus en plus d’ampleur, notamment depuis 2010, creusant des écarts en termes de résultats aux différents niveaux du primaire et du secondaire.
L’inégalité au temps du coronavirus
Le droit à l’éducation n’est pas égal pour tous pendant la crise du coronavirus, bénéficiant davantage à ceux dont les parents disposent des moyens pour les inscrire dans des écoles privées. Même pour ceux qui ont la possibilité de continuer la scolarité en ligne, cela n’est possible qu’à travers l’augmentation des charges de soins non-rémunérées effectuées par les femmes. De l’autre côté, le système public ne peut concurrencer ces dernières avec ses infrastructures vétustes et renforcées par les inégalités régionales en Tunisie. Ainsi, poursuivre les cours en ligne s’avère difficile dans les zones rurales telles que le Nord-Ouest ou le Centre Ouest où la densité d’abonnement à l’Internet fixe est de 17.6% et 16.9% respectivement, alors que ce taux atteint les 59.6% et 41.6% à Tunis et le Centre Est respectivement.
De ce fait, les cours de l’école publique ont été assurés sur la télévision nationale. Bien que cela résolve quelques contraintes imposées par la crise du coronavirus, la pandémie a non seulement creusé davantage le fossé entre le privé et le public, mais aura aussi fortement impacté les débouchés des diplômés sur le marché du travail dans le futur.
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