Au début, comment l’Université Dauphine Tunis a-t-elle fait face à la crise COVID ?
Fort heureusement, nous disposons d’un plan de continuité d’activité. Nos collaborateurs sont formés et les outils sont là pour réussir à gérer une crise. Notre travail s’inscrit dans une action globale entre Tunis, Paris et Londres. Ainsi, après l’annonce le vendredi de l’entrée en confinement, nous avons assuré les cours le lundi d’après. Toute l’équipe a mis les bouchées doubles pendant tout le week-end pour vérifier et mettre en place les outils nécessaires pour assurer la continuité des cours sans aucune coupure. Il suffisait d’assurer une connexion via la technologie entre nos enseignants et nos étudiants pour assurer un enseignement distanciel sans faille. Certes, nous avons fait face à des contraintes technologiques telles que la turbulence 4.0 que nous avons réussi à contrôler rapidement mais le plus gros de l’effort était accompli par la suite par les enseignants. Il est clair qu’on ne gère pas une classe en présentiel comme sur une plateforme. Nous avons dû réduire la durée de la séance et upgrader la plateforme. Aujourd’hui, elle peut regrouper 10 000 personnes. C’est ainsi que nous avons pu assurer la réussite de nos cours.
Dans cette période d’incertitude, quel a été votre principal souci ?
Nous nous sommes surtout inquiétés pour nos étudiants qui venaient de l’étranger. Nous accueillons en effet des jeunes venant d’Europe et d’Afrique ; nous avons eu à cœur de maintenir un contact très étroit avec eux en essayant de répondre à leur besoin. D’ailleurs, à ce titre, nous avons assuré un accompagnement direct de tous nos étudiants. Nous avons effectué des enquêtes pour avoir le retour d’expérience des étudiants. Pour les accompagner dans la gestion du stress et pour parer à l’inactivité physique liée au confinement, nous avons même programmé des cours de sport en ligne avec un coach. C’était également un moment pour nous retrouver dans un cadre ludique entre étudiants, administration et enseignants.
Quels étaient les enseignements de cette crise ?
Je peux dire aujourd’hui, à ma grande satisfaction, que la maîtrise de cette situation a reflété la robustesse de notre équipe pédagogique et administrative qui était mobilisée pour assurer l’accompagnement des étudiants. C’était un test vivant qui a montré que l’équipe était réellement orientée objectif et non pas présentiel. Ce sont les étudiants qui ont témoigné de l’efficacité de l’équipe dauphinoise et de leur fierté d’appartenir à notre institution, via mails et messages… Ça m’a personnellement beaucoup touchée.
Est-ce que vous pensez garder une partie des cours à distance et l’intégrer peu à peu dans les parcours ?
Un pompier ne peut pas utiliser des prototypes pour éteindre le feu. En étant dans l’urgence, nous avons utilisé des outils très simples pour assurer l’enseignement à distance que je ne peux pas qualifier d’enseignement digital. Ce dernier nécessite une réflexion au niveau de la pédagogie et des outils utilisés.
Avant la crise, nous réfléchissions déjà à la digitalisation de nos cours. Nous voulions avant tout, augmenter la capacité des professeurs grâce au digital et leur permettre d’utiliser des plateformes performantes capables de prendre en compte la vitesse d’apprentissage des étudiants, car ces derniers n’ont pas le même background. Notre réflexion nous a conduit à envisager d’adopter un modèle blended composé d’e-learning et présentiel.
En effet, face à un monde professionnel qui évolue très vite et s’oriente de plus en plus vers le télétravail, il est important d’inculquer l’apprentissage des outils technologiques au sein des études universitaires. Au niveau de Dauphine Tunis, nous l’avions initié avec des cours Python qui sont des cours de programmation à la base de l’intelligence artificielle et qui ont eu beaucoup de succès auprès de nos étudiants. Nous avons, donc, décidé de les généraliser en les intégrant aux Licences l’année prochaine et nous projetons, dans le même sens, d’organiser une summer school. Il est évident que la digitalisation figure dans notre programme d’études, encore faut-il prendre en considération deux objectifs essentiels : la vitesse d’apprentissage et les backgrounds différents des étudiants.
En restant toujours tournés vers le futur, quels sont aujourd’hui les projets de Dauphine Tunis?
Nous en avons plusieurs ! Le confinement, en général, n’a pas empiété sur nos activités. Nous avons continué à lancer de nouveaux programmes tels que le Master en management international, économie numérique et marketing digital. Ce master s’inscrit, en effet, dans un projet initialement tripartite entre le Campus Benguérir au Maroc, Paris-Dauphine et Dauphine Tunis. Il est destiné à ceux qui sont intéressés par un parcours en économie numérique et marketing digital. Nous l’avons élaboré avec le Directeur des masters de Paris-Dauphine et il sera lancé à la rentrée prochaine. En s’inscrivant dans l’inter-campus Dauphine Paris, Dauphine Tunis et Benguérir, les étudiants pourront circuler entre ces trois universités pendant leurs études. Ce qui leur offrira davantage de richesses avec une ouverture prochaine sur la Chine pour développer le volet numérique.
Nous avons bien compris qu’il y a d’autres projets…
Effectivement ! Nous sommes en train de préparer les nouveaux locaux de Dauphine : un pôle universitaire éco-smart, orienté technologie. L’objectif est de nous ouvrir encore davantage et nous rapprocher du monde de l’entreprise, notamment celui des nouvelles technologies. Nous avons prévu une empreinte architecturale très moderne, orientée développement durable et qui traduit manifestement l’ADN du concept. Il y est prévu une circulation douce, des espaces verts, un foyer, un centre sportif, un centre culturel, un cinéma, un hôtel, des incubateurs, un espace de coworking et bien évidemment des entreprises. Je peux dire qu’il traduit notre vision de l’université : un acteur influent dans la vie économique et culturelle. L’université intelligente ne l’est pas seulement au sens digital, elle l’est également en termes de fonctionnement, de respect de l’environnement et de gouvernance. Ce projet sera financé par des grands groupes tunisiens, des banques et des bailleurs de fonds qui se sont engagés à nous accompagner. Plusieurs entreprises ont déjà signé des lettres de manifestation d’intérêt.
Quelle est la formation de l’Université Dauphine la plus demandée par les entreprises ?
Ce qu’on propose est par définition ce qui est demandé par le marché. À Dauphine Tunis, nous avons quatre masters : la finance qui est le master le plus ancien et le plus demandé, l’actuariat, un master rare proposé seulement par trois universités en Afrique, le master big-data, intelligence artificielle, systèmes de données et enfin, le master management des systèmes d’information. Quel que soit le master, les offres de recrutement des entreprises sont supérieures en nombre au volume de nos promotions et près de 90% des recrutements se font même un mois avant la diplomation de telle sorte qu’un étudiant diplômé sait qu’il a déjà un emploi qui l’attend.
Est-ce qu’il y a une stratégie, aujourd’hui, d’attirer des étudiants africains ?
Nous sommes très sélectifs au niveau des choix de nos étudiants. Ainsi, pour faire une bonne sélection, il faut passer par le développement de partenariats dans différents pays africains. Se concerter avec les enseignants et les équipes pédagogiques dans différentes écoles nous aidera à attirer ceux qui ont les capacités de pouvoir suivre des études qui demandent beaucoup d’efforts. Actuellement, nous allons faire des sélections au Cameroun, en Côte-d’Ivoire et au Sénégal. Nous mettons aussi en place un partenariat avec l’école polytechnique d’Abidjan.
Dans dix ans, comment voyez-vous l’enseignement supérieur ?
Je suis convaincue que l’enseignement supérieur doit être acteur d’un espace économique. Nous, université, devons être les prestataires des entreprises. Nous devons continuer de travailler étroitement avec les entreprises-partenaires pour être à l’écoute de leurs besoins. Créer une dynamique, une synergie positive entre la formation, l’innovation et l’entreprise. Se rapprocher davantage, notamment physiquement, permet de travailler au maximum ensemble et créer une dynamique positive entre les formations, le monde de l’entreprise, la création et l’innovation. Aujourd’hui, la formation continue a de plus en plus la côte et il n’y a plus de frontières, ni dans le temps, ni dans l’espace, en ce qui concerne les études et le travail. Il est désormais possible de travailler et d’étudier en même temps.
Avez-vous un mot de la fin par rapport à cette période post-COVID ?
Je pense qu’il est important d’être dans l’anticipation. Dans cette période délicate post-COVID qui connaîtra une crise économique mondiale sans précédent, les universités sont appelées à penser davantage à l’employabilité de leurs étudiants. Une université qui se respecte doit s’investir pour trouver des solutions avec une plus forte employabilité. Il faut travailler davantage sur les programmes d’accompagnement. Et c’est ce que notre université ambitionne pour la période à venir. Renforcer l’employabilité de nos étudiants, anticiper des mesures exceptionnelles, en leur donnant une meilleure visibilité est l’une de nos priorités, et ce, via des évènements, des mini-rencontres, des conseils, des opérations de parrainage, des mini-stages. Nos étudiants ont la chance d’appartenir à une université prestigieuse, régulièrement classée dans les baromètres mondiaux tels que le classement Shanghai, parmi les meilleures universités au monde ; une université qui leur offre à Tunis, un diplôme français et un diplôme tunisien, tous deux synonymes de forte employabilité localement et à l’international.
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