“Les propositions budgétaires révisées 2020 et le PLF 2021 exacerbent les risques budgétaires et de liquidité” pour la Tunisie. C’est ainsi qu’a intitulé l’agence de notation Moody’s le rapport sur les deux projets soumis le 21 novembre dernier par le ministère des Finances.
“Les prévisions indiquent un ralentissement économique plus marqué que prévu en 2020 et une détérioration plus importante des paramètres budgétaires et de la dette au cours des deux prochaines années, ce qui compliquera ses projets d’équilibrage des comptes budgétaires à l’avenir”, lit-on dans le document.
D’après les experts de Moody’s, les mesures incluses dans ces projets “intensifient également les risques de liquidité, car une augmentation significative des emprunts sera difficile à financer dans un contexte de resserrement des marchés intérieurs et extérieurs et des retards dans les négociations sur un nouveau programme du FMI”.
Cela dit, les auteurs du rapport notent que “des réserves saines fournissent un filet de sécurité aux échéances externes importantes de l’année prochaine”. Et d’ajouter: “Le budget indique que la crise du coronavirus a eu un impact nettement plus important sur les perspectives économiques et budgétaires de la Tunisie que nous l’avions initialement supposé”.
L’économie se contractera de 9,5% cette année, d’après les estimations de Moody’s, qui, “combinée à une augmentation des dépenses annoncée par le gouvernement technocratique dirigé par le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, entraînera un déficit budgétaire de 11,4% du PIB”, lit-on dans le document. Ce taux “dépasse de loin la projection de déficit de 7% du gouvernement précédent plus tôt cette année”.
Pour 2021, le gouvernement vise un déficit de 8% du PIB, soutenu par une croissance économique renouvelée que nous attendons de 4% avant de converger vers une fourchette de croissance tendancielle de 2-3%. Les principaux points de pression sur les dépenses comprennent un soutien supplémentaire aux secteurs de l’agriculture, de l’énergie et des entreprises publiques ainsi que les salaires du secteur public.
Le gouvernement prévoit de nouvelles embauches dans le secteur public en réponse à une flambée du chômage, ce qui entraînera une augmentation de la masse salariale du secteur public à 17,5% du PIB cette année et 16,5% en 2021. Ces taux, note le rapport, sont bien plus que la médiane de 8% pour les économies de marché émergentes. “En tenant compte de la matérialisation présumée des passifs éventuels d’environ 2% du PIB entre entreprises publiques cette année”, ajoutent les analystes de Moody’s, “nous projetons une augmentation de 20% de la charge de dette à 92% du PIB cette année et une hausse à environ 96% du PIB en 2021”.
“Ceci est contraire à nos attentes précédentes d’une stabilisation de l’ordre de 80% à 85% du PIB, et nettement supérieure à l’augmentation de 11 points de pourcentage du PIB projetée en moyenne pour les pays notés B en 2020”, précise Moody’s. “En outre, l’écart qui subsiste entre le solde primaire que nous prévoyons et l’ajustement qui serait nécessaire pour stabiliser le ratio d’endettement à l’avenir indique une forte détérioration de la viabilité de la dette, avec une probabilité plus limitée d’un rétablissement rapide des comptes budgétaires équilibrés”.
Des projections budgétaires nettement plus faibles pour cette année et la prochaine porteront les besoins d’emprunt bruts du gouvernement à 20% du PIB en 2020 contre environ 14% estimés précédemment, restant à 17,4% en 2021 contre une moyenne de 10% avant la pandémie. Il sera difficile de répondre à ces besoins de financement supplémentaires dans un contexte de conditions de financement intérieur et extérieur strictes et de besoins de refinancement plus élevés, en particulier en 2021 et 2024.
Le gouvernement vise à combler le déficit de financement de cette année de 6 à 7% du PIB en accédant à des emprunts extérieurs d’une valeur de 2,5 % du PIB (environ 950 millions de dollars) et un financement de la Banque centrale représentant 3,2% du PIB (un peu plus de 10% des recettes de l’année précédente). Le gouvernement espère financer le reste sur le marché intérieur qui reste peu profond, explique la note de Moody’s. L’agence a rappelé que le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, a clairement indiqué qu’il était légalement interdit à la Banque centrale de financer directement le gouvernement et qu’elle ne compromettrait pas ses objectifs et réalisations en matière de prix et de stabilité financière enregistrés au cours des deux dernières années. La Banque centrale limitera donc ses achats sur le marché secondaire aux volumes indiqués ci-dessus, sous réserve de l’approbation légale du Parlement.
La Tunisie a traditionnellement pu obtenir un financement du secteur public représentant jusqu’à 50% de ses besoins de financement dans le cadre de programmes consécutifs du FMI au cours de la dernière décennie. Cela a contribué à contenir la facture d’intérêts et à assurer l’accessibilité de son stock de dette en croissance rapide. Cependant, Moody’s estime que le calendrier et la portée de l’accès au financement du secteur public à l’avenir sont incertains compte tenu du retard des négociations pour un nouveau programme du FMI faisant suite à l’accord de la facilité élargie de quatre ans approuvé en mai 2016, la dernière partie de ce qui a été annulé au profit d’un décaissement de 750 millions de dollars au titre de l’instrument de financement rapide en avril de cette année.
“Compte tenu des conditions de financement plus onéreuses, nous prévoyons une dégradation progressive de l’accessibilité de la dette mesurée par le ratio intérêts/revenus vers 14% en 2023”, souligne l’agence. Et d’ajouter: “Cela dit, le profil de crédit de la Tunisie continue d’être soutenu par la résilience de son coussin de réserve de change”. D’après les chiffres présentés par Moody’s, cela signifie des actifs extérieurs nets augmentant à 7,7 milliards de dollars en octobre, contre 7 milliards de dollars en janvier qui sert de support aux échéances de dette à venir en 2021 qui comprennent deux euro-obligations garanties par l’USAID de 500 millions de dollars chacune une tranche de prêt qatarie de 250 millions de dollars, en plus des remboursements de prêts officiels d’environ 900 millions de dollars.
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