
Lieu : une colline à quelques kilomètres de la ville de Sarajevo. Date : juillet 1993.
Une foule, composée majoritairement de jeunes hommes en uniforme militaire, occupait une grande partie de la colline. Au centre, Ratko Mladic, le “boucher de Srebrenica” et, face à lui, Christiane Amanpour, la correspondante de la chaîne américaine CNN. Amanpour, parlant à l’interprète, pose sa question à Mladic : “Les USA le considèrent comme un criminel de guerre, et risque même d’être traduit en justice”, dit-elle. “Que peut-il penser de cela?”. Commandant de “l’Armée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine”, Mladic était responsable d’un grand nombre d’atrocités desquelles des dizaines de milliers de Bosniens étaient victimes. Bouche bée, l’interprète refuse de traduire la question de Amanpour. “C’est une question difficile”, proteste-t-elle. “C’est une question difficile mais il est un homme dur et il pourra répondre”, répondait alors la journaliste. Couvrant la guerre bosniaque depuis des mois, Amanpour a été témoin des actes dont l’armée de Mladic était responsable. Durant ces mois, la correspondante de la CNN transmettait la réalité de la guerre à des millions de spectateurs dans le monde. Grâce à son travail, Amanpour s’est transformée en une star.
“Là où il y a la guerre, il y a Amanpour”
D’origine iranienne, Amanpour a dû quitter son pays au lendemain de la révolution islamique; sa famille était proche du régime du shah. Elle a démarré sa carrière dans une chaîne locale à Rhode Island, puis, en 1983, elle a été engagée par la chaîne d’information en continu CNN à Atlanta comme assistante. En intégrant la chaîne, la jeune journaliste avait un seul objectif : devenir une correspondante internationale, ce qu’elle a réussi à faire en 1986. Avec le début de la chute du communisme, la chaîne cherchait à avoir un correspondant à Francfort, poste que ses collègues n’étaient pas enthousiastes d’occuper. Elle s’est alors portée volontaire et elle est envoyée en Europe de l’Est pour couvrir les évolutions rapides qui se succédaient dans la région.
Son intérêt pour la couverture des conflits s’est manifesté peu après. Le jour où l’armée irakienne a envahi le Koweït, le 2 août 1990, Amanpour s’est immédiatement portée volontaire pour cette mission. Elle est arrivée à Dubaï croyant qu’elle va y rester une semaine. Son séjour s’est étalé à cinq mois. Et c’est sa couverture de la Guerre du Golfe, faisant suite à l’occupation par l’Irak du Koweït en 1990, qui la rend célèbre.
Quand la guerre en Bosnie-Herzégovine s’est déclenchée, il était clair, pour Amanpour, qu’elle doit y être. Ses patrons ne partageaient pas son opinion — la guerre bosniaque n’était pas sur le radar des spectateurs américains. La journaliste a insisté pour couvrir le conflit et CNN a fini par lui exaucer son vœu … et ne l’a pas regretté. Depuis Sarajevo, Amanpour a réussi à mettre sur le devant de la scène mondiale le conflit balkan. La guerre était atroce. Lorsqu’une de ses collègues à Sarajevo lui a demandé si elle avait du mal à dormir pendant les bombardements, elle a répondu très sérieusement : “Je dors mieux à Sarajevo qu’ailleurs”. Ses reportages, souvent critiques aux forces serbes, n’étaient pas bien vus par le gouvernement du pays qui finit par lui interdire d’y siéger. Ceci n’a cependant pas déterré Amanpour qui a poursuivi la couverture du conflit à partir du bureau de la CNN à Belgrade. “Je regrette de ne plus avoir la possibilité de passer plus de temps avec les forces serbes”, a-t-elle déclaré à l’époque. Mais elle assure ne pas regretter le ton de ses reportages. Car pour Amanpour, couvrir une guerre consiste à offrir plus que des rapports sur l’avancement des batailles : permettre aux téléspectateurs de mieux cerner le contexte du conflit est, pour elle, une composante clé de son travail.
D’une correspondante de guerre comme les autres, Amanpour est devenue LA correspondante de guerre pour les téléspectateurs américains. Quand la crise rwandaise s’est déclenchée, elle était la première à se rendre sur les lieux pour couvrir les événements. Incapable de trouver une accommodation, la journaliste a été contrainte à passer ses journées sous une tente installée près d’une base militaire. Tout au long de sa carrière, Amanpour a fait connaître des crises majeures dans de nombreux points chauds du monde, dont l’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, l’Iran, Israël, le Pakistan, la Somalie, le Rwanda et les Balkans et des États-Unis lors de l’ouragan Katrina. Cette capacité à couvrir en y excellant autant de conflits a fait parler de Amanpour. Le New York Times Magazine a même publié un portrait de la journaliste qu’il a intitulé “Là où il y a la guerre, il y a Amanpour”.
La star
Grâce à cette réputation, la journaliste est devenue l’un des correspondants les mieux payés (et peut-être la mieux payée) au monde, notamment grâce à sa volonté de voyager et de travailler dans les endroits les plus dangereux du globe. Elle parle couramment anglais, persan (sa langue maternelle) et français. Le magazine Forbes l’a nommée en 2006, 79ème femme la plus influente du monde. En 2007, elle est classée 74ème, et 91ème en 2008. Elle a conduit des interviews exclusives avec des dirigeants des quatre coins du monde, y compris les présidents iraniens Mohammad Khatami et Mahmoud Ahmadinejad, ainsi que les présidents de l’Afghanistan, du Soudan et de la Syrie, entre autres. Après le 11 septembre, elle a été la première correspondante internationale à interviewer le Premier ministre britannique Tony Blair, le président français Jacques Chirac et le président pakistanais Pervez Musharraf. Parmi les autres personnes interrogées, citons Hillary Clinton, Nicolás Maduro, Hassan Rouhani, Emmanuel Macron, Angela Merkel, John Kerry, le Dalaï Lama et Mouammar Kadhafi. Amanpour a reçu plusieurs prix pour la qualité de son journalisme. Elle a remporté neuf Emmy Awards, plusieurs prix Peabody, un prix Edward R. Murrow et la reconnaissance de la Library of American Broadcasting. En plus de son rôle de correspondante internationale en chef de CNN, qui a dirigé un certain nombre de documentaires sur les problèmes sociaux mondiaux, elle a travaillé pour CBS News, contribuant, en tant que reporter, au célèbre 60 minutes.
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