Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir nos meilleurs articles et du contenu exclusif directement dans votre boîte mail.

Dégradation des banques par Moody’s: le vrai du faux

Lorsqu’une banque cherche à se faire noter par une agence spécialisée, c’est qu’elle veut se donner l’image d’un établissement en bonne santé et capable de servir convenablement ses clients. La confiance est au cœur des métiers de la finance. Mais lorsque ce rating se dégrade à cause du risque souverain, l’effet devient contraire surtout avec les interprétations à la tunisienne sur les réseaux sociaux.

C’est ce qui s’est passé pour les quatre banques notées par Moody’s: Amen Bank, BIAT, Banque de Tunisie et STB. L’ATB a échappé à cette révision, mais elle figure sur la liste des candidats à une nouvelle baisse du rating.

La principale raison de ce mouvement est le principe suivi par toutes les agences de rating: aucune entité privée ne peut avoir une notation qui dépasse celle de l’Etat où elle réside. Ce n’est donc pas une surprise de voir cette décision. D’ailleurs, lors de l’annonce de la révision du rating souverain, les plafonds de risque pays ont été abaissés de B1 à B2 pour le plafond en monnaie locale, et de B3 à Caa1 pour le plafond en monnaie étrangère. Ces plafonds désignent la notation de crédit maximale atteignable, en monnaie locale ou étrangère, pour un émetteur obligataire domicilié.

Mais le traitement de cette annonce par les médias n’a pas été juste. L’événement est interprété comme s’il s’agissait de banques en souffrance à cause d’une surexposition aux bons du Trésor, ce qui n’est pas tout à fait correct.

Selon les chiffres des états financiers des banques cotées fin juin 2022, les bons du Trésor représentent 11,4% de leurs bilans. C’est une proportion assez élevée, mais en cohérence avec la structure du marché de la dette en Tunisie. Il y a 3 135 MTND d’encours d’émissions obligataires corporate, contre 24 003 MTND de bons du Trésor et 4 828 MTND d’emprunts obligataires souverains. Il n’y a donc pas de choix en termes d’allocation au vrai sens du terme.

Sur les quatre banques dégradées, seule la BIAT affiche un ratio (bons du Trésor/total actif) supérieur à la moyenne du secteur (11,7%). Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit du bilan le plus important du secteur et de la meilleure épargne nationale, donc une capacité plus grande à supporter les risques par rapport aux autres établissements.

Ce qui a inquiété Moody’s, ce sont plutôt les proportions par rapport aux fonds propres. Là encore, deux banques affichent de très bons ratios par rapport aux fonds propres, à savoir Amen Bank et la Banque de Tunisie.

Pour l’ATB, elle dépasse les moyennes sectorielles mais elle est mieux notée que les autres établissements de crédit. La raison: la notation de son actionnaire de référence, l’Arab Bank, à Ba2 avec perspectives positives. La banque jordanienne peut apporter un soutien significatif à sa filiale tunisienne en cas de besoin. En revanche, la structure d’actionnariat tunisien des autres établissements, majoritairement tunisienne, les sanctionne.

Il ne faut donc pas s’alarmer de la décision de Moody’s. Les autres banques qui opèrent en Tunisie ne peuvent pas avoir de meilleures notes si elles étaient notées par l’agence américaine. Il faut comprendre que le sort des établissements privés est intimement lié à celui de l’Etat. Partout dans le monde, c’est le cas et toute crise financière frappe les banques en premier lieu. Le pays traverse un moment difficile, mais nous restons loin des scénarios de faillite. Nous avons une marge réelle pour sauver la situation.